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NATHALIE NICOLAS à NANTES (44)


"J’ai eu la chance de commencer le yoga avec Serge fin d’année 2014. De la chance, car il m’a aidée à surmonter une période difficile suite à une chute d’escalade survenue sur un gros problème postural ancien. Mais j’ai aussi la chance, depuis lors, de profiter de son enseignement (et depuis plus récemment celui de Catherine) dont je vais tenter ici d’en définir ma compréhension avec ses différentes résonances.


Il s’agit pour chacun de cheminer à son propre rythme, en repérant ses zones de tension, ses blocages. Ici, pas de travail en force pour aller plus loin, mais un travail minutieux et très exigeant qui requiert de la patience et beaucoup d’humilité avec la reconnaissance et l’acceptation de ses propres limites. C’est un travail en douceur mais absolument pas doux, et tous les élèves de Serge et Catherine pourraient en témoigner ! Progressivement, on comprend qu’en travaillant en douceur « ça » travaille beaucoup, de nouveaux espaces peuvent s’ouvrir. On découvre alors qu’en allant moins loin, ça va beaucoup plus loin. C’est ce que j’appellerais la « pédagogie du paradoxe » de Serge, comme ses fameuses phrases un peu déroutantes au début « imaginez que ça monte pour que ça descende plus bas… », pour déjouer notre besoin de contrôle en laissant sa chance à l’expérimentation et la surprise. Il s’agit d’aller moins loin, c’est-à-dire au plus juste, afin de lever progressivement les défenses et résistances du corps grâce à l’absence d’a priori postural. C’est un travail à la fois analytique et global, percevoir ce qui se passe dans une zone précise ou « ça travaille » ainsi que toutes les répercussions possibles dans le corps. Cet enseignement nous invite sans cesse à déconstruire pour reconstruire. Déconstruire ce que l’on croit savoir, ce que l’on fait par habitude personnelle et/ou culturelle. C’est un yoga de l’épure et de la soustraction, afin d’aller à l’essentiel et au plus juste. C’est une approche qui peut sembler austère à certains, voire incompréhensible, c’est qu’il faut du temps pour l’appréhender et l’expérimenter. C’est un enseignement très vivant, toujours en mouvement, dans un jeu de construction-déconstruction qui vise à se libérer de nos tensions, blocages, habitudes et ancrages. Tout semble toujours possible et en devenir, même pour les plus âgés d’entre nous. Il s’agit de se défaire de « l’idée du beau », c’est-à-dire de l’image ou représentation de la posture parfaite, immuable, qu’il faudrait accomplir. Il ne s’agit pas de réussir puis de répéter à l’infini les mêmes postures supposées parfaites, comme un but suprême commun à tous, mais plutôt de se confronter à l’énigme de chaque posture. C’est-à-dire d’appréhender la posture comme principe dynamique de transformation, d’interrogation, dans une perspective plus existentialiste qu’essentialiste. Le yoga comme principe de transformation et de libération, n’est- ce pas là l’essence du Yoga ?


« Devenez votre propre miroir » nous répète Serge, selon le précepte de BKS IYENGAR. Comment y parvenir ? Tout d’abord en renonçant au désir de copier l’image de la posture parfaite. Il s’agit d’être juste présent et « d’accueillir ce qui se passe dans une action désintéressée », sans objectif ni but à atteindre, ou sans représentation-but dirait la psychanalyse. A ce propos, le psychanalyste anglais, W.R. BION, explique que l’analyste doit appréhender chaque séance « sans pensée, ni désir, ni connaissance ». C’est à cette condition que nous pouvons créer en nous un espace non saturé, parfaitement libre pour accueillir l’imprévu et l’insaisissable, et cheminer ainsi vers l’autonomie et l’ouverture. Il me vient également une autre image que celle du miroir, que j’emprunte à la philosophe Baldine SAINT-GIRONS, c’est celle de la membrane tympanique, où viendrait résonner tout ce qui peut surgir. Dans sa théorie du Sublime et de l’acte esthétique, elle définit le Sublime comme principe de savoir et de déstabilisation-métamorphose et l’acte esthétique comme opérant en trois temps. Ainsi face à un tableau, un paysage et pourquoi pas ici, une posture, il s’agit de concevoir l’œuvre comme une présence à soutenir. Dans un premier temps, elle décrit un processus de saisissement-dessaisissement, il s’agit d’abord de se laisser saisir grâce à une suspension de toute idée, tout savoir, tout jugement, puis de se laisser dessaisir, c’est à dire de s’évider et de laisser la priorité à la pleine présence de l’autre (l’œuvre, le nouveau, l’inconnu). C’est une suspension de son moi, pour laisser à l’autre la priorité, la présence. Puis, vient le temps de l’auto-observation en s’auto-constituant en plaque sensible, en devenant comme une membrane tympanique vivante et vibrante face à cette pleine présence. S’ensuivent, un deuxième temps où l’exposition à cette présence agissante véhicule de nouveaux signifiants et permet une recharge énergétique et l’expansion de tout mon être sentant, imaginant, sachant. Puis un troisième temps, où le sujet veut témoigner de cette expérience et remettre en communication avec ce qu’il peut savoir, imaginer, projeter. Ce qui nous intéresse ici, concerne surtout ce premier temps de saisissement-dessaisissement de soi et d’autoconstitution en membrane tympanique vibrante. Être son propre miroir, pourrait se rapprocher de pouvoir se définir comme une membrane vibratoire, tympanique, et laisser résonner puis observer ce qui émerge. Cela doit être une action désintéressée, il ne faut pas chercher à qualifier ou juger mais juste se laisser aller à la résonance, au laisser agir, au laisser faire. Il s’agit d’éviter d’appliquer des grilles connues qui obtureraient toute saveur à la présence. L’acte esthétique nécessite une volonté négative, avec la retraite, la déprise, le dessaisissement. Tout ceci me semble appréhender assez bien la question de la posture vue comme une énigme. Accepter la posture comme présence agissante, se constituer comme membrane tympanique où elle viendrait résonner. N’est- ce pas là l’idée du laisser- faire, laisser- agir et du fameux lâcher -prise ? Accepter la posture comme présence agissante, c’est-à-dire non comme une fin mais comme moyen de déstabilisation -transformation. Comment ouvrir des espaces en soi, si l’on pratique toujours de la même façon en répétant inlassablement les mêmes postures selon l’idée que l’on s’en fait de leur réalisation et de leurs effets supposés ?

J’ai parfois entendu, qu’un travail « trop postural » manquerait peut-être de « spiritualité ». Comme si la grande précision posturale pouvait exclure tout travail en profondeur et ne permettrait pas d’appréhender les couches les plus subtiles de notre être. Ou pour le dire plus abruptement le travail trop postural en resterait au grossier et ne s’intéresserait pas assez à des effets « plus élevés » que posturaux. Il y aurait deux façons d’appréhender l’effet des postures ou deux types d’effets : Un premier effet, que l’on peut qualifier de général, un effet propre ou intrinsèque à la posture. Il peut s’agir d’un effet physiologique, émotionnel, spirituel ou autre. Ce que telle posture est supposée produire comme effet, ce que l’on peut en attendre. Un effet général en quelque sorte valable pour tout le monde. Et un deuxième type d’effet, plus personnalisé, ce que produit la posture quand on se laisse agir par elle sans en attendre quelque chose de précis sinon cette simple confrontation à l’imprévu. Cela demande une disposition très différente, sans a priori ni savoir particulier, ni d’attente. Être juste dans une disposition d’accueil pour que quelque chose surgisse qu’il s’agit d’écouter. Il ne me paraît pas pertinent ici d’opposer ces deux dispositions ou attitudes (ce que l’on voit parfois sous l’angle de la problématique de faire ou d’entrer dans une posture) car elles me paraissent finalement assez complémentaires. De plus, il est indéniable que les postures, en général, vont améliorer la souplesse, la tonicité, permettre de se détendre, d’être dans un certain état mental etc…Mais il me semble nécessaire de souligner l’importance d’un travail postural exigeant lorsqu’il requiert de rester un certain temps et d’observer ce qui surgit. C’est grâce à cette écoute subtile et approfondie de ce qui se passe, que se fait progressivement le chemin en profondeur, vers des couches plus subtiles, garant de véritables changements pouvant nous mener très loin. Et c’est à mon avis, l’aventure originale, que le travail bien compris, de Serge et Catherine nous permet de mener."


Présentation :

"La pratique quotidienne du Yoga depuis ma rencontre avec Serge il y a 6 ans a opéré un changement personnel profond. Mais en tant que psychiatre-psychothérapeute, je me suis également aperçue que ce changement s’opérait progressivement dans ma pratique professionnelle. Et que je donnais de plus en plus de place à un grand oublié, je parle du corps, du corps naturel avec ses besoins et ses fonctions physiologiques. Cette pratique du yoga a ouvert d’autres espaces dans mon activité psychothérapeutique avec une attention plus sensible et incarnée, en accordant notamment une grande importance comme autant d’indicateurs, à la respiration, à la posture, aux tensions physiques, aux rythmes, à l’alimentation, aux diverses maladies somatiques et dysfonctionnements… Je projette de travailler à l’avenir plus spécifiquement avec le yoga, et c’est en ce sens que j’ai débuté une formation professorale de yoga au CEFYTO avec Noëlle et Rodolphe MILLIAT ainsi qu’une formation de yogathérapie avec Lionel COUDRON. Mais, je continue, bien sûr, à suivre assidûment l’enseignement de Serge et Catherine qui reste pour moi le fil rouge de ma formation."


Nathalie Nicolas (Nantes)

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